Edito du Président : De la santé publique à l’enseignement public
Quand le « coronavirus » apparut, en Chine, courant décembre, on avait encore des difficultés à appréhender et reconnaitre la gravité de la situation observée, à distance, avec compassion. Sans prendre le temps de réaliser cette pandémie mondiale, nous découvrions, sur notre territoire, quelques foyers de contagion localisés sans encore percevoir les choix à opérer car la « France n’est pas la Chine » disait-on. Les échéances politiques municipales, maintenues et jugées prioritaires, furent aussi quelque peu perturbées. Jusqu’alors, on laissait entendre que la gestion de la vie politique était rythmée, exclusivement par des impératifs et des choix économiques. Pour freiner cette propagation devenue inquiétante, mi-mars, les exigences de santé publique imposaient progressivement, un confinement afin que chacun ne soit ni victime ni responsable de cette épidémie.
Reconnaissons et louons l’engagement immédiat de tous les personnels médicaux du service public hospitalier qui se sont vu déléguer cette crise malgré des moyens en équipements sanitaires et en matériels insuffisants ne permettant pas toujours de les protéger. Certes, évitons, dans l’instant, des polémiques inutiles, mais les exigences de santé publique placées, enfin, au premier plan, devront à l’avenir ne plus être aussi négligées et se conjuguer avec d’autres impératifs. Voire s’imposer, s’il était nécessaire, pour éviter toute pandémie.
L’acceptabilité sociale des exigences sanitaires doit, dès lors, conjuguer liberté individuelle qui conteste les injonctions protectrices et liberté publique qui revendique toujours plus de mesures coercitives. L’insouciance et la peur sont toujours mauvaises conseillères. Nous nous devons de prendre en compte ces exigences de santé publique car nous sommes interdépendants, nous cohabitons. De plus en plus, nous devons prendre conscience que ne sommes pas des individus égoïstes mais des citoyens solidaires liés par un avenir commun.
Cette crise majeure démontre aussi qu’on ne peut pas dignement comparer le fonctionnement et les objectifs de santé publique d’un hôpital public avec ceux d’un établissement à but lucratif telles les cliniques privées. Les objectifs, missions et coûts entre l’hôpital public et les établissements privés ne recouvrent pas les mêmes réalités, pas les mêmes obligations. Les hôpitaux publics, répondent à l’urgence et à l’intérêt général et ne choisissent ni leurs patients ni les pathologies qu’ils traitent.
Par ailleurs, dans le confinement imposé aux élèves des établissements scolaires, bien des parents vont découvrir qu’enseigner à leurs enfants n’est pas aussi évident et que cela exige des compétences. On pourrait, alors que les situations sont parfaitement analogues, remplacer « santé » par « éducation ». Les écoles publiques, elles non plus, ne choisissent ni leurs élèves, ni les pathologies sociales qu’elles affrontent, ni les mêmes obligations. De plus, elles seules assument la mission essentielle du vivre ensemble des futurs citoyens en République.
Les officines privées de santé et d’enseignement laissent croire à l’opinion qu’elles incarneraient l’alternative aux carences présupposées du service public alors qu’elles contribuent à entretenir des inégalités et à les conforter structurellement. L’enjeu du débat sur le devenir du service public est, pour certains, le développement d’une conception libérale fondée sur la concurrence entre privé et public. C’est la rentabilité contre l’efficience.
Une omerta plane sur ces questions. Le débat public-privé et le clivage politique qui en découlent, ne sont plus ouvertement affichés et assumés pour des raisons idéologiques et mercantiles. Celles-ci devront être reposées à l’avenir. Ceux qui nient cette évidence s’inscrivent dans des logiques marchandes, libérales, voire cléricales pour l’enseignement.
Ainsi, dans ces secteurs de la santé et de l’enseignement, soumis de façon croissante à l’instrumentalisation de politiques ultralibérales, on assiste à une remise en cause du rôle de l’État et de la place du service public gage de liberté, d’égalité et de fraternité.
Puisse cette épreuve nous conduire vers plus de solidarité.
Eddy KHALDI
26 mars 2020