Edito du Président : Mixité sociale, mixité scolaire
Les inégalités liées à la question scolaire procèdent-elles de cette dernière?
Non si l’on en croit l’Observatoire des inégalités : « l’école française est inégalitaire parce que la société l’est aussi, et parce que le système éducatif favorise les plus favorisés».
Face aux inégalités sociales, le système éducatif ne peut pas tout. Pierre Bourdieu affirme que le système scolaire:« est un des facteurs les plus efficaces de conservation sociale».
Il n’est pas question d’occulter ni réduire les difficultés que traversent l’École. Cependant, certains rapports ne servent qu’à instrumentaliser des dysfonctionnements réels ou supposés pour invalider les principes fondateurs de l’École de la République avec, pour quelques-uns, le dessein non dissimulé de la privatiser.
Le constat, toujours entretenu, de la « crise de l’école » est loin d’être une nouveauté. Il perdure depuis Jules Ferry. Pas question non plus de minimiser les critiques de ceux qui se dévouent pour améliorer l’école sur le terrain des établissements, au contact de publics d’élèves aux comportements divers, confrontés à des situations sociales d’exclusion.
L’avenir de notre pays se fonde sur la qualité de cet enseignement public et de l’investissement que la nation consacre à ce maillon essentiel de notre cohésion sociale.
D’où viennent donc ces inégalités scolaires?
D’abord du milieu social d’origine. L’OCDE conforte cette logique : « la structure actuelle du système éducatif considérée comme archaïque, est appelée à disparaÎtre au profit de structures plus souples, largement soumises aux lois du marché aussi bien dans leurs débouchés que par leur fonctionnement interne. L’institution scolaire proprement dite n’aura plus qu’à assurer la socialisation des jeunes et à leur inculquer, non plus essentiellement des savoirs, mais des compétences devant garantir leur employabilité et leur adaptabilité».
De fait, certains, au nom du« libre choix» revendiquent de cultiver leur système élitiste financé par la puissance publique parce qu’ils considèrent l’égalité comme une injustice.
Pour nous DDEN, l’injustice c’est l’inégalité. C’est pour cette raison que nous revendiquons l’égalité en éducation, non celle des groupes ou des communautés mais celle des citoyens. Sinon, on introduit la différence des droits entre groupes et on dénature le concept de service public expression de l’égalité des citoyens et non des communautés.
La République devrait-elle financer et favoriser une école de la différentiation sociale?
Les écoles publiques ne choisissent ni leurs élèves, ni les pathologies sociales qu’elles affrontent. De plus, elles seules assument la mission essentielle du« vivre ensemble» de la République et se chargent d’accueillir tous les enfants quelles que soient leur origine et leurs conditions sociales. L’école républicaine laïque est l’affaire de tous, garante du respect de la liberté de conscience des citoyens en devenir.
La mixité sociale n’est pas un obstacle à la réussite scolaire. Ceux qui réussissent dans l’enseignement privé réussiraient dans l’enseignement public. Les élèves du privé sont pour la plupart issus de milieux favorisés non seulement d’un point de vue économique, mais aussi culturel. Les différences dans l’origine sociale des élèves des deux secteurs expliquent l’avantage des élèves du privé.
On sait que lorsque des élèves considérés comme mauvais, moyens et bons sont réunis dans les mêmes classes, c’est un puissant facteur de progrès pour les plus faibles : « La mixité scolaire est en ce sens un élément central de la diminution des inégalités sociales à l’école. » 1
La citoyenneté, la mixité sociale, dans un contexte de crise économique, constituent de nouveaux défis, de nouveaux enjeux de société pour l’école publique laïque. Certains en cherchant à commercialiser l’éducation la soumettent à des conditions de fortune pour restaurer l’inégalité dans l’accès au savoir.
Les mêmes ou d’autres exigent ce financement public de leur école privée dont l’objectif vise à conformer au nom de leur« caractère propre» religieux et conditionner les consciences plutôt que de les émanciper.
La remise en cause de l’École publique est intimement liée avec celle qui vise la laïcité de la République.