Vous prenez une circulaire ministérielle recommandant la mise en œuvre d’une réelle mixité sociale, vous prenez un territoire dont les effectifs de collégiens sont à la baisse, vous y associez la réflexion d’experts qui iront plus volontiers dans votre sens, et vous trouvez le remède miracle pour développer la mixité sociale : la fermeture du collège qui scolarise le plus d’élèves en situation prétendue de difficulté.
C’est exactement ce qui vient de se passer à St-Malo et ce qui fait suite à d’autres décisions de ce type (Brest, Vannes, Auxerre…..).
La mixité sociale ne se décrète pas, elle se construit. C’est toute la nécessité d’un aménagement de territoire réussi, regroupant des couches sociales diverses et proposant aux jeunes concernés une offre scolaire équivalente à celles qui pourraient être offertes ailleurs. Il faut donner à tous les collèges de l’attractivité et tordre le coup à toutes les idées reçues et véhiculées.
Nous travaillons depuis plusieurs années sur les passages d’élèves de CM2 des écoles publiques vers les collèges publics. En Ille-et-Vilaine, ce sont chaque année, plus de 800 élèves de CM2 des écoles publiques que l’on ne retrouve pas dans leur collège public de secteur. Parmi, ces 800 élèves, les familles de 300 d’entre eux, qui connaissent les codes et qui appartiennent le plus souvent aux couches sociales les plus favorisées, obtiennent un avis favorable à une dérogation de secteurs justifiée par le choix d’une option ou d’une langue vivante dispensée dans un autre collège plus huppé. Les familles des 500 restants font le choix de l’enseignement privé confessionnel.
Et là, nous mettons le doigt sur le problème majeur du dispositif. L’Administration veut nous faire croire qu’il y a un seul service public d’éducation constitué de deux réseaux, l’un public et l’autre privé. Mais il y a un gros hic. L’un, le public, évolue dans un système réglementé de sectorisation qui en fonction de votre domicile vous envoie dans le collège ad hoc. L’autre le privé, qui revendique en l’occurrence son caractère propre, choisit ses élèves et peut inscrire quelque soit le lieu de résidence de la famille de l’élève. C’est là l’une des raisons majeures d’absence de mixité.
Ceci conduit dans notre région à des distorsions importantes des niveaux sociaux des familles des élèves des collèges. Les collèges privés ont des taux élevés de familles aisées ou assez aisées. Les collèges publics des centres-villes ou des zones résidentielles sont aussi bien dotées, par contre les collèges de périphérie ou de zones sensibles concentrent les difficultés. D’ailleurs les zones d’éducation prioritaire y sont implantées.
Il faut être d’une grande naïveté pour croire comme certains, que l’enseignement privé serait disposé à participer à cet effort de mixité, en recommandant à sa clientèle aisée d’inscrire leurs enfants dans un collège public de zone sensible afin qu’il puisse en échange pouvoir accueillir des élèves des quartiers difficiles. C’est bien mal connaître les politiques de ces établissements.
Le choix de recourir à la fermeture du collège accueillant une population dite fragile est lourd de conséquence. Comment seront répartis les élèves ? Quelles seront les mesures mises en œuvre au niveau de leur nouvel établissement pour leur garantir le plus dont ils bénéficiaient dans leur ancien collège ?
Madame la Ministre a justifié la fermeture du collège Surcouf parce que ce collège n’envoie que 60% de ses élèves de 3ème en classe de 2nde alors que ce taux est de 80% au niveau de l’Académie de Rennes. Madame la Ministre ne sait pas qu’il faut se méfier des moyennes. S’il y a des collèges à 60% et une moyenne de 80%, c’est qu’il y a des collèges à 80%, 90% et même 100% ! Si l’on suit son raisonnement, il faut fermer tous les collèges qui n’atteignent pas 80%. On peut aussi se poser la question de savoir si les élèves du quartier répartis dans les autres établissements, seront encore 60% à atteindre la 2nde, compte tenu de la détérioration à prévoir de leurs conditions d’enseignement !
La fermeture du collège Surcouf jette le désarroi sur l’ensemble du territoire. Le privé est là en embuscade qui s’en réjouit et qui inscrit. Les familles prennent les devants. Les collèges privés ont vu, à la dernière rentrée leurs effectifs croître de 3%. Des parents ont même anticipé en inscrivant leurs enfants dans le 1er degré privé pour garantir une inscription en 6ème dans le même réseau. Voilà qui met à mal la stratégie et l’argumentaire du Conseil Départemental qui justifiait le choix de Surcouf pour éviter une fuite vers privé.
Plus généralement , cette politique nous préoccupe fortement. C’est le devenir des zones prioritaires qui se pose. La multiplication des fermetures de collèges y évoluant peut laisser supposer qu’il s’agit là d’une stratégie élaborée. Une réponse claire s’impose.
Jean-Claude Robert,
23 septembre 2016.