L’État finance sa concurrence scolaire
Mille soixante-cinq postes au concours de professeur des écoles de l’enseignement public sont supprimés en 2019, dans le même temps, les établissements d’enseignement privés bénéficieront d’une hausse de 310 postes ! En décidant d’abaisser l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans, les communes seront dans l’obligation de payer pour les maternelles privées !
La citoyenneté, la mixité sociale, dans un contexte de crise économique, constituent des défis, des enjeux de société certes pas nouveaux mais considérablement aggravés pour l’École publique laïque. Certains en cherchant à commercialiser l’éducation la soumettent à des conditions de fortune pour aggraver encore l’inégalité d’accès au savoir.
Les mêmes ou d’autres exigent ce financement public de leur école privée dont l’objectif vise à conformer au nom de leur « caractère propre » religieux et conditionner les consciences plutôt que de les émanciper.
Le communautarisme et la marchandisation constituent des dangers imminents pour l’avenir de l’École. Les principes fondateurs instituant l’éducation obligatoire, gratuite et laïque garante de la liberté de conscience n’en restent pas moins, aujourd’hui, les plus efficaces antidotes. Pourtant certains osent prétendre qu’ils ont perdu de leur pertinence et luttent pour remarier d’abord Eglise et École puis atteindre la séparation des Églises et de l’État. La remise en cause de l’École publique est intimement liée avec celle qui vise la laïcité de la République. Ainsi la hiérarchie catholique en faisant financer ses écoles et sa fonction sociale par la puissance publique obtient là une reconnaissance institutionnelle et proclame : « La loi de séparation est contraire à l’ordre voulu par Dieu, mais on peut s’en accommoder dès lors que l’État respecte les droits de l’Eglise, notamment celui de disposer d’écoles chrétiennes », bien évidement financées par la collectivité publique. L’académicien évêque d’Angoulême dénonçait cette dérive clérico-libérale : « …L’Église occupe ce terrain (…) au risque de se laisser instrumentaliser au service d’une logique de privatisation en mettant à la disposition des privilégiés des systèmes privés de soin, d’éducation, etc., dont l’inspiration catholique n’est plus qu’une source d’inspiration lointaine … ». En écho les « Chrétiens pour une Église dégagée de l’École confessionnelle » (CEDEC) adressaient une lettre à l’épiscopat disent : « se sentir humiliés quand l’Église catholique contribue, par le comportement des responsables de cette école confessionnelle, à appauvrir l’école publique – école de la Nation ». À vouloir recruter ainsi massivement et bien au-delà d’une demande « naturelle » liée à la foi, il y a là, pour l’enseignement catholique, une sorte de péché lucratif, en forme de publicité mensongère qui prétend s’inspirer des évangiles.
Le dualisme scolaire financé par la puissance publique n’est pas un débat « dépassé »
Il constitue une menace de privatisation rampante du service public selon le principe des vases communicants. L’enseignement privé, aujourd’hui presque exclusivement catholique, prétend assurer abusivement « une mission de service public ». Il alimente ainsi une stratégie libérale qui ne pourrait pas s’organiser sans ces concessions de plus en plus exorbitantes de moyens publics. Lorsque l’État finance sa propre concurrence au profit d’établissements scolaires privés communautaristes, il porte atteinte à ses principes constitutionnels d’égalité des citoyens. De surcroît, cet enseignement privé, presqu’exclusivement financé sur fonds publics, facteur important de discrimination sociale, participe à l’accroissement des inégalités.
Le paradoxe de la situation actuelle est celui d’une France largement sécularisée, mais qui dans le même temps, entretient une vie politique et sociale où les religions participent à la marchandisation de l’éducation.
Cette instrumentalisation « du libre choix » est revendiquée depuis le Vatican qui instrumentalise l’école pour une reconquête cléricale. Pour lui, l’école catholique est « le seul lieu de contact avec le christianisme ». Il conclut, « elle est un point crucial pour notre mission ».
Quel citoyen ne trouverait pas indécent de revendiquer la prise en charge, par la collectivité, de sa course en taxi ? Quel citoyen oserait prétendre illégal le refus de financement public de son transport privé parce qu’il porterait atteinte à sa liberté fondamentale d’aller et venir ? C’est bien là cependant le raisonnement égoïste et fallacieux, entretenu par ceux qui, abusivement, laissent entendre que leur « liberté d’enseignement » impose un subventionnement public.
N’oublions jamais que la remise en cause de l’École publique est intimement liée à celle qui vise la laïcité de la République et ses principes fondateurs.
Eddy KHALDI
25 avril 2019