Dossier suivi par Jacques Manceau, Secrétaire fédéral
Il me revient la tâche de faire le point sur l’état d’avancement de la Refondation de l’École de la République, dont le premier acte a été la difficile mise en place des nouveaux rythmes scolaires. Créé il y a deux ans l’Observatoire des DDEN de la Refondation de l’École de la République s’est emparé de l’actualité en collectant la réalité des diversités de situations que vous avez constatée sur le terrain.
Les premiers rapports envoyés au Ministère nous ont permis de démontrer notre implication, la complémentarité des informations et les suggestions que nous avons remontées ont contribué à mieux nous faire reconnaître auprès de l’administration.
En effet, le dernier constat arrêté au Conseil fédéral du 15 octobre dernier a recueilli les informations de 45 Unions. Notre étude a donc concerné la réalité du vécu d’une population de plus de 26 millions d’habitants (26 805 428 habitants), regroupant 16 661 communes et 19 618 écoles publiques. Les CDEN ont permis d’appréhender l’état d’avancement de la mise en place de la refondation dans les différents départements. La rentrée scolaire et les derniers CDEN ou les Comités de suivi, en ont constaté la réalité.
Quatre sujets étaient soumis à enquête :
- Le nombre d’écoles publiques du département,
- Le nombre d’école ne s’inscrivant pas du tout dans la réforme des rythmes. Question mal formulée, vous avez compris de vous-même qu’il fallait lire les écoles hors TAP,
- Le nombre d’écoles qui ont regroupé les activités périscolaires sur un après midi,
- Le nombre d’écoles ayant encore des journées d’enseignement de 6 heures.
Nous avions volontairement laissé de côté la question de l’organisation et du financement des activités périscolaires.
Malgré une guérilla entretenue par une partie des maires et du corps enseignant, exploitant les légitimes inquiétudes de nombreux parents, le calme est revenu, même s’il aura fallu utiliser le recours à l’application de la loi dans plusieurs communes pour mettre en place la réforme des rythmes scolaires sur l’ensemble des territoires de la République. A la date de la rédaction de la synthèse de vos réponses moins 1% des 14 661 communes refusaient encore obstinément d’appliquer la réforme (97 communes).
Aujourd’hui la situation s’est normalisée.
Vous avez constaté, pour le regretter, que le décret (N° 2014) du 07 mai 2014, portant autorisation d’expérimentations relatives à l’organisation des rythmes scolaires dans les écoles maternelles et élémentaires a été un facteur de confusion. En effet, des communes se sont saisi de l’opportunité offerte pour organiser ou réorganiser les Temps d’Activités Périscolaires (TAP) sur un après-midi (1 401) et plus particulièrement celui du vendredi après-midi (263) soit près de 19%. Ce qui revenait à vider de son sens l’esprit de la réforme Peillon sous couvert d’économies budgétaires. Vous avez été nombreux à vous préoccuper de l’organisation du vendredi après-midi et vous avez eu raison ! Bien que cette question ne fût pas formulée dans notre questionnaire. Les exemples qui nous sont remontés n’en sont que plus significatifs d’une réalité qui doit être bien supérieure au pourcentage chiffré de 18,77%. Cette tendance devrait s’accentuer à la rentrée prochaine.
La seconde question concernait le nombre d’écoles ayant encore des journées d’enseignement de six heures, vous avez là aussi relativisé heureusement en comptabilisant également, mais à part, les journées de 5h30 à 6 heures. Certains d’entre vous ont tenu à souligner les matinées supérieures à 3h30.
Quant à l’organisation des horaires, la disparité des situations géographiques et démographiques rend évidemment difficile une appréhension globale pertinente. Selon les départements, qu’ils soient ruraux ou urbains, de plaines ou de montagnes, les contraintes d’organisation ne sont pas les mêmes. L’organisation des transports scolaires a pesé, de toute évidence, dans le choix des horaires proposés à l’administration.
Il ressort néanmoins de nos constatations que si 10% des 1 348 communes/écoles pratiquaient des journées de 6 heures, près de 3% (184) pratiquaient des journées de 5 h30 à 6 h00.
Mais là encore il faut considérer que les journées de 5h00 à 6heures et les matinées de plus de 3h00 doivent représenter beaucoup plus que les constatations volontairement établies par une partie seulement de nos collègues.
En règle générale, trop souvent le projet définitif s’est écarté du projet initial, l’ambition portée par la réforme des rythmes qui avait la noblesse de défendre l’intérêt supérieur de l’enfant, s’est pour le moins amoindrie quand elle n’a pas été marginalisée : les changements de municipalités sont passés par là ! Les questions de financement des TAP, la difficulté de recrutement des intervenants, l’organisation des transports ont trop souvent supplanté la réflexion de fond et la finalité de la réforme. Nous avons également mis en avant le travail réalisé par les enseignants qui proposaient déjà dans leurs programmes (et qui heureusement continuent) de la musique, des arts plastiques, des sport et autres activités éducatives. Comme nous l’avions pressenti au 100ème Congrès à Paris, notre crainte s’est avérée justifiée : trop de communes se sont contentées du minimum s’apparentant à de la garderie améliorée : juste ce qu’il faut pour toucher le fonds d’amorçage.
Autre constatation : le régime expérimentation est saisi essentiellement par les RPI (Regroupements Pédagogiques Intercommunaux), SIVOS (Syndicats Intercommunaux à Vocation scolaire) ou COMCOM (Communautés de communes) mais également dans plusieurs départements tel celui de la Seine-Saint-Denis où dix municipalités sur quarante, l’ont choisit.
Nous avons également insisté sur le temps réel passé à l’école par certains enfants de l’école élémentaire. En effet, s’ils fréquentent les garderies du matin et du soir, les élèves passent jusqu’à 11 heures par jour dans l’environnement scolaire auxquels s’ajoutent les 4 heures du mercredi matin en comptant la garderie. Dans ces conditions le temps passé à l’école peut s’élever jusqu’à 48 heures 30 par semaine ! Sans compter le temps de transport…
Le repérage des enfants dans un environnement en perpétuel changement d’horaires et un changement permanent d’intervenants apportent de la confusion surtout vis-à-vis des plus petits. Une indifférenciation des rôles respectifs entre l’équipe pédagogique et les animateurs dans l’esprit des petits a également été soulignée. Ce problème est en cours de résolution. Nos collègues de la Côte-d’Or nous ont souligné la tentative de certains élus de décider de la mise en place de la réforme alors qu’ils n’en n’avaient pas la compétence, mais on remarque, pour l’instant que bien des élus ne souhaitent pas assumer ces nouvelles responsabilités, et surtout les financements à venir qui en découleront.
Dans le département de la Loire-Atlantique, l’enseignement privé confessionnel a appliqué la réforme à 34%, en Maine-et-Loire près de 31%. Alors que dans d’autres départements comme celui de l’Isère, il a fait une campagne de promotion sur l’argument du maintien de la semaine de quatre jours, au point que l’administration a été obligée d’intervenir pour faire cesser cette concurrence déloyale.
Concernant la gratuité, celle-ci était effective dans la grande majorité des communes, mais il n’est pas interdit de s’interroger : pour combien de temps encore ? Dès la dernière rentrée, des départements ont pris les devants, tels le Vaucluse, à l’exception de la ville d’Avignon qui applique la gratuité.
Cette situation a l’inconvénient de politiser le financement d’une activité désormais liée à l’École de la République et d’écorner un peu plus les principes de gratuité et d’égalité d’accès aux activités péri éducatives, auxquels nous sommes attachés.
Au niveau des variations d’effectifs, il ne semble pas que la mise en place des nouveaux rythmes ait eu une incidence significative, sauf dans des écoles publiques implantées dans des quartiers sensibles où des retraits d’enfants issus de familles immigrées ont été constatés au profit des écoles privées confessionnelles catholiques au motif que le mercredi matin libéré permettait l’enseignement religieux de l’islam…
TAP ou pas TAP ?
Dans certains départements de nombreuses communes n’envisagent pas de mise en place des TAP, ou seulement sous forme d’une garderie souvent payante. Ainsi d’une commune du Maine-et-Loire qui facturait dans la prestation des TAP le temps de pause méridienne des petites sections !
En Seine-et-Marne, nos collègues attirent notre attention sur la volonté de 230 communes représentant 380 écoles qui n’envisageaient pas de TAP au moment de l’enquête ou seulement un service de garderie.
En fait, dans cette période de restriction budgétaire, il apparait que la tentation sera grande de faire le calcul, avec comme arrière pensée l’intention de toucher les 50 ou les 90 euros par enfant inscrit, qu’ils fréquentent ou non les TAP.
Enfin concernant la possibilité de dérogation pour des semaines de 23 heures (quatre journées de 5h45 et six jours travaillés supplémentaires pris sur les vacances d’été) nous n’avons qu’un seul retour (la commune de Mée en Seine-et-Marne) mais sans TAP.
Quant à la 9ème demi-journée, le choix massif s’est porté sur le mercredi matin, avec des disparités comme en Seine-Maritime où le samedi matin représente plus de 15% des cas et plus de 10% en Seine-Saint-Denis. (Mais la question de la neuvième demi-journée ne figurait pas dans notre questionnaire…).
En conclusion, il y a lieu de souligner que l’enquête a été réalisée à la dernière rentrée scolaire pour un constat au 15 octobre 2014. Depuis, bien des détails de fonctionnement ont été améliorés, et l’on peut espérer que les mentalités ont évoluées. Dans un compte rendu daté du 5 mai dernier, un Comité départemental de suivi souligne que « dans l’ensemble, les relations avec les écoles ont progressé ». Reste qu’il y a un réel risque de généralisation du financement par les familles d’une partie plus ou moins importante du coût des TAP ou des garderies qu’elles n’auront pas forcément choisi.
Il faut rendre plus visible les différents intervenants et agir au sein des Conseils d’école, auprès des mairies et au sein des Comités départementaux de suivi, pour la mise en place d’une formation « petite enfance » et d’une formation à la Laïcité pour les animateurs de TAP ou pour les bénévoles et favoriser la présence des associations d’éducation populaire, là où elles existent.
Quant au système d’enseignement privé confessionnel qui envisage d’entrer dans l’application des rythmes à la rentrée prochaine, il nous faudra être vigilant quant aux financements accordés par les municipalités ou groupement de commune pour les TAP mis en place et qui seront souvent assurés par des bénévoles d’une institution attachée à promouvoir l’expression de « son caractère propre » !
Et maintenant ?
Comme vous pouvez le constater, nous ne partons pas de rien.
– Nos enquêtes nous donnent une vision d’ensemble.
– Le thème du 100ème Congrès à Paris, nous a enrichis de ses réflexions pour affirmer notre place et notre rôle dans l’institution.
– La Fédération a publié un encart sur la Laïcité dans le n°242 de sa revue ‘’Le délégué’’ qu’il est utile de diffuser largement, notamment dans les Conseils d’écoles.
De plus en plus d’Unions participent activement aux Comités Académiques de suivi et ont participé à la concertation décentralisée sur le numérique et aux Assises de l’Éducation. A cette occasion nos collègues ont mis en garde contre une dérive mercantile et économiste de l’école et l’importance qu’il y a à éduquer au sens critique face à la déferlante des nouveaux médias.
Le fonctionnement de l’école est en plein bouleversements, il va nous falloir poursuivre nos enquêtes pour constater les évolutions et établir un nouveau constat d’étape pour le prochain congrès. Les comptes rendus des Comités départementaux de suivi nous seront précieux.
Nous devons nous mettre à la hauteur des enjeux à travers nos analyses et nos propositions que nous devons mieux faire connaître, mieux diffuser en mettant en place une communication efficace pour, à travers l’école, bâtir une humanité meilleure et plus éclairée.
C’est le but de l’Observatoire que de nous en donner les moyens.